Bienvenue sur ma page consacrée aux légendes urbaines,

Je m'interesse aux légendes urbaines en amateur et, en particulier, celles qui circulent par email sur internet.

Les légendes urbaines commencent souvent sous la forme "l'ami d'un ami..." (ADUA, en anglais "a friend of a friend...", FOAF). Je m'aperçois de jour en jour que ces légendes présentent un certain interêt, car elles présentent une culture sous jacente, et en particulier, une certaine morale. Des ouvrages paraissent maintenant sur le sujet.

Des formes voisines sont: les légendes traditionnelles, les rumeurs (concernent plutôt les personnes célèbres), les mythes (concernent plutôt des divinités), les contes (concernent plutôt des personnages imaginaires, sorcières, fées, ogres...), les fables, les paraboles, les faits divers, les anecdotes et les blagues. Mais une même histoire peut passer d'une catégorie à l'autre. Un fait qui caractérise et aide à l'identification d'une légende urbaine est son existence sous plusieurs formes, notement pour s'adapter à son auditoire, d'où changement de lieux, d'accessoires ou de cible... Il existe aussi un phénomène appelé "ostension" (pour la définition, voir en bas de la page) qui consiste à imiter le scénario d'une légende urbaine, c'est le scénario de la nouvelle de Karen Blixen "Une histoire immortelle"et, dans une moindre mesure, de celle de Dino Buzzatti "Le défunt par erreur" (référence). Ceci montre aussi un transfert entre littérature et légendes urbaines.

Une catégorie de légendes urbaines qui ne m'amuse pas est celle que j'ai placé sous la référence "Hoaxes". Ces mails ne sont pas destinés à amuser le lecteur mais à le piéger et à l'entrainer dans une série de mails en chaîne, néfaste au bon traffic de courrier sur internet. J'en ai placé ici quelques specimens...

Parmi celles qui m'amusent, en revanche, il y a également les blagues qui, en tentant de passer pour des histoires vraies, entrent dans le domaine des légendes urbaines. Un sujet qui m'interesse et qui est peu traité dans ces ouvrages: à quel moment et de quelle façon nait une légende urbaine? Cette question m'obsede depuis que j'en ai vu naitre une "sous mes oreilles", celle des Zamours (voir "Dans les Media"). Alors qu'en grande partie cette histoire est fausse, j'ai plusieurs amis qui sont persuadés de l'avoir vue de leurs propres yeux. Je suppose qu'on leur a tellement bien raconté cette histoire qu'il leur semble vraiment l'avoir vue.

Cela m'a donné un indice: on peut imaginer qu'une legende se propage pour propager une idee (de tolerance, de morale, ou de peur, de racisme etc...) mais je crois qu'il ne faut pas negliger qu'on transmet parfois une telle legende simplement pour faire rire. Car pour bien faire rire, mieux vaut AUSSI, comme dans les legendes urbaines, adapter l'histoire a l'auditeur. En tant que pourvoyeur de blague, je connais les astuces qui font qu'une blague médiocre mais bien racontée fera plus rire que l'inverse. Un bon conteur ajoutera des details historiques et culturels en "resonance" avec son public, comme dans les legendes urbaines. D'un "conteur" a l'autre, les blagues se déforment, des détails s'ajoutent, des allusions à des faits réels également (j'en donne quelques exemples ici mais pas trop). On peut partir d'une blague mediocre qui s'ameliore peu a peu, ou d'une blague en anglais qu'on essaye de traduire en francais, et on retrouve dans les blagues les symptomes des traductions des legendes urbaines. On peut partir d'une blague a laquelle on ajoute des details realistes ou partir d'un vrai fait-divers auquel on ajoute des details faux mais droles. Dans les deux cas on arrive a une blague, racontee comme fausse mais qui peut, plus loin dans la chaine de transmission, etre prise au serieux par quelqu'un qui la racontera comme vraie et elle sera devenue "legende urbaine". Cela ne m'interesse pas de savoir quelle histoire est vraie et quelle histoire ne l'est pas, mais je suis curieux de voir les formes qu'elles prennent, et cela m'amuse.

J'ai collectionné les légendes urbaines par email entre 1995 et 2003, et je les ai archivées sur cette page web (en français et en anglais). Entre temps, des ethnologues se sont mis à piocher sur ma page web pour leurs propres anthologies ("De source sûre" de Véronique Campion-Vincent et Jean-Bruno Renard, Payot (2002); "Rumeurs et Légendes Urbaines" de Jean-Bruno Renard, collection Que sais-je, numero 3445, (réédité 2006), voir sur la page liens). J'ai essayé d'être rigoureux et d'ajouter à chaque légende la date approximative à laquelle je l'aie reçue la première fois...

Dror WARSCHAWSKI (1998-2003)

http://www.drorlist.com/uldror.html

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Sur le terme "ostension", j'ai recu ça de Jean-Bruno Renard:

A l'origine, depuis le XIIIe siecle, le terme "ostension" (du latin "ostendere", montrer) appartient au vocabulaire liturgique, en anglais comme en francais. Il signifie la presentation publique d'un objet sacre : saint Sacrement ou relique (cf. l'ostension du saint Suaire) (cf. aussi le terme "ostensoir", piece d'orfevrerie qui permet d'exposer sur l'autel une hostie consacree).

Le terme "ostension" a ete adapte et introduit dans la terminologie folklorique anglo-saxonne en 1983 par Linda Degh et Andrew Vazsonyi ("Does the Word 'Dog' Bite ? Ostensive Action : A Means of Legend Telling", Journal of Folklore Research, 20, 1983 : 5-34). Par les termes "action ostensible" (trad. de l'anglais "ostensive action") et "ostension", ces auteurs signifient que les legendes peuvent etre "jouees", mises en actes, autant qu'etre "racontees", mises en paroles. Par la suite, on utilise ce terme dans l'etude des rumeurs et des legendes urbaines pour designer des comportements reels d'individus qui imitent le scenario d'une rumeur ou d'une legende. Les rumeurs et legendes urbaines revelent souvent les peurs contemporaines. Lorsque ces histoires servent de modeles d'imitation a des criminels afin de susciter les memes peurs, on a typiquement un phenomene d'ostension (cf. J.-B. Renard, Rumeurs et legendes urbaines, PUF, "Que sais-je ?" 3445, 1999, p. 125).