La paix, foi d'un incroyant
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- Jérusalem. - De notre envoyé spécial
Itinéraire atypique que celui de Michael
Warschawski. Fils de l'ancien grand rabbin de Strasbourg, il a rompu avec
le Talmud pour devenir l'un des plus fervents défenseurs du rapprochement
israélo-palestinien. A le
voir calme et souriant derrière sa grise moustache de Gaulois, on
n'imagine pas qu'il puisse être une " bête noire "
de l'extrême-droite israélienne. Car si Michael Warschawski
est venu à Jérusalem en 1965, ce n'était ni par engagement
politique, ni pour devenir un des militants les plus actifs du dialogue
israélo-palestinien. Mais bien pour étudier dans une yeshiva
(séminaire talmudique) et se pencher sur les textes sacrés.
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- Strasbourg : la mémoire d'un univers restreint
- Fils de l'ancien grand rabbin Meïr Warchawski (une haute
figure de la résistance juive contre l'occupation allemande), Michael
a passé son enfance à Strasbourg. " De la maison
au centre communautaire, de l'école aux mouvements de jeunesse,
j'y ai vécu toute mon adolescence dans l'univers restreint et balisé
d'une éducation juive orthodoxe. Ceci sous le regard bourgeois et
pas toujours très tolérant de la communauté. Et, humainement
parlant, sans jamais rencontrer ou me lier à un goy (non juif, NDLR).
Cela tenait un peu du ghetto ", raconte Michael, alias Mikado
(son nom de totem chez les éclaireurs israélites de France).
A l'âge de 15 ans, ses parents l'envoient en Israël
poursuivre ses études religieuses. En 1967 dans la région
de Latroun, il se met au service du kibboutz Sha Alvin lorsqu'éclate
la guerre des Six jours. " J'ai assisté à l'exode
palestinien de quatre villages qui ont été rasés depuis.
A l'époque, je n'ai pas très bien compris de quoi il retournait ",
dit-il.
- La volte-face
- Quand durant l'été d'après les hostilités,
des groupes de la diaspora juive arrivent de France pour visiter le pays,
c'est tout naturellement que Mikado les guide pour leur montrer les territoires
conquis par Tsahal. Mais à la faveur d'une visite sur le marché
d'Hébron, il découvre la réalité quotidienne
de l'occupation : " un marchand arabe s'est adressé
à nous pour nous vendre une broutille. J'ai eu le sentiment insupportable
qu'il nous parlait comme à ses maîtres. Comme s'il était
contraint de subir notre pouvoir, notre arrogance "...
C'est un électro-choc. " Faire partie des occupants,
dans une position qui me plaçait au-dessus de l'autre, voilà
qui contredisait toute mon éducation, explique Michael. J'ai vécu
cette situation comme une atteinte à mon intégrité.
Toute mon enfance avait baigné, via mes parents, dans le souvenir
de l'occupation allemande. Ce concept représentait pour moi la quintessence
de ce qui était le mal absolu : la répression, le racisme,
les humiliations, le danger permanent ".
- Arrêté par le Shin Beth
- En quelques mois, Michael Warschawski accomplit alors un virage
à 180 degrés. Il abandonne la religion pour adhérer
au groupuscule d'extrême-gauche Matzpen (la boussole), première
organisation israélienne à s'opposer ouvertement à
l'occupation dans une publication intitulée " Nim As "
(Ras-le-bol, NDLR). " A l'époque, se rappelle-t-il, pour
le jeune religieux en chemise de nylon et pantalon de tergal que j'étais,
le plus effrayant chez eux n'était pas leurs idées, mais
leur apparence : ils avaient des cheveux longs, sales et portaient
des jeans "...
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- Un " cerveau " de l'Intifada
- Bientôt, après des études de philosophie
et de sciences politiques, il consacre sa vie à l'activisme politique.
Dans les années 70, il organise des rencontres entre universitaires
israéliens et palestiniens. Du Comité de solidarité
de l'université Bir Zeït de Ramallah (Cisjordanie) au Comité
anti-guerre du Liban (1982), il devient une des chevilles ouvrières
du Centre alternatif d'information. Cette organisation israélo-palestinienne
publie " Nouvelles de l'intérieur ", un journal
destiné à sensibiliser l'opinion israélienne et internationale
à la situation dans les Territoires occupés.
En 1988, après avoir co-organisé les premières
manifestations israélo-palestiniennes en commémoration des
massacres des camps palestiniens de Sabra et Chatila au Liban, Michael
Warschawski est arrêté par le Shin Beth (services secrets
israéliens). On accuse ce père de trois enfants d'avoir collaboré
avec l'ennemi pour avoir publié une brochure qui expliquait aux
Palestiniens comment résister à la torture et leur indiquait
dans quels pièges ne pas tomber pendant leurs interrogatoires.
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- Durant les quatre ans du retentissant procès qui suivra,
l'accusation ira jusqu'à le considérer comme un " cerveau "
de l'Intifada. Sa condamnation - 30 mois de prison dont 10 avec sursis,
réduits à un semestre ferme en appel - marquera son triomphe.
Car entretemps le tabou de la question de l'auto-détermination palestinienne
et de la reconnaissance de l'OLP aura été brisé avec
la montée en puissance du mouvement Shalom Akshav (La paix maintenant).
Le militantisme de Mikado est communicatif. Ses quatre soeurs
et l'un de ses deux frères sont également engagés
dans le mouvement pacifiste. Ses parents, qui vivent aujourd'hui tout comme
lui à Jérusalem, appartiennent tous deux à l'organisation
religieuse pour la paix Netivot Shalom. Mireille, sa mère, est en
outre l'une des animatrices de Bat Shalom, branche du réseau israélo-palestinien
de femmes Jérusalem Link. Meïr, son père, s'active aussi
au sein de Shomre Mishpat (Rabbins pour les droits de l'homme).
A presque 49 ans, d'où Mikado tire-t-il sa foi, sa combativité,
son étonnante énergie pour la paix ? De cet homme qui
s'affirme " incroyant ", son rabbin de père
dit : " c'est le plus mystique d'entre nous "...
Marc Priestman
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